Ça se sait, le marché du vin valaisan tire un peu la gueule. Y a eu la météo dégueu de 2021, le mildiou, les grandes caves qui tentent de brader le prix du raisin, la concurrence avec les vins étrangers, BREF. Forcément, y en a qui en ont gros et qui jettent l’éponge. On a beau être passionné, mais y a forcément le pognon qui pèse.
Rentabiliser l’espace
Depuis 2019, 80 hectares de vignes ont été perdus en Valais, selon les chiffres de l’office cantonal de l’agriculture. En vrai, ça va encore, quand on sait que le vignoble valaisan s’étend sur 4’720 hectares. 80 hectares, ça fait un peu plus que 1,5% du total. Mais reste que y a quelques terrains de football qui se perdent dans cette histoire. Alors que nous, on aime bien rentabiliser notre territoire. Donc vient cette idée sur la table : et si on remplaçait les vignes abandonnées par d’autres cultures… ne serait-ce qu’en attendant que le business du vin reprenne des couleurs ?
Sur ce point, le chanvrier Bernard Rappaz a déjà une idée toute trouvée. Vous vous en doutez, il prêche pour sa paroisse et suggère de planter… ben de la weed, tiens. Non content de garder ses bonnes idées pour lui, il a même mis tout ça dans une lettre adressée aux politiques. En gros, il leur demande de ne pas accabler de paperasse les cultivateurs qui veulent se lancer. Son idée, au final, c’est aussi d’aider le vigneron et l’économie valaisanne. De permettre à celui qui trime dans la terre de quand même transformer ce qu’il fait pousser en blé, en oseille… en flouze, quoi.
La weed, c’est mal
Sauf que voilà, si le chanvre légal a fait son chemin dans les mœurs, ça reste encore pas toujours bien vu. Enfin, soit c’est ça qui est mal vu, soit c’est l’arrachage de ceps qui choque parce que c’est le patrimoine et tout ça.
Qu’est-ce qui nous fait dire que c’est mal vu ? Ben parce qu’on en a contacté, des vignerons qui ont décidé de pas avoir tous leurs œufs dans le même panier, et qui ont planté du cannabis légal sur certains terrains. On sait qu’y en a, parce qu’y a des traces d’achat de matériel pour la culture de chanvre dans les commerces spécialisés. Mais de toutes les personnes contactées, aucune qui veut en parler publiquement. « C’est trop tôt ». « Nan mais je veux pas qu’on me fasse de la pub pour ça ». « Moi, ouai j’ai envisagé, mais en fait je vais pas le faire, c’est trop compliqué ». Même les responsables marketing des caves n’ont pas envie de parler du fait que les vignerons n’ont pas envie d’en parler (tu suis un peu le truc ?).
Alors quoi de si honteux à vouloir continuer à travailler la terre avec un truc qui marche, et qui plus est tout à fait légal ?
Imaginez : le Valais, premier canton chanvrier de Suisse. Sur les spots publicitaires ou les panneaux autoroutiers, on aurait un pur ciel bleu, le Matterhorn, une meule à raclette, un petit bonhomme à ski… avec un énorme calumet de la paix dans les mains.
Là y en a qui ont recraché leur fendant, je pense.
Venir à bout du tabou
Mais au final, pourquoi pas ? Déjà, on fait pousser plein de trucs qui ne viennent pas du coin, sans que ça ne dérange personne. Et ensuite, on s’approprie d’autres trucs qui ne poussent pas chez nous comme des produits bien typiques. Genre, on met des tablettes de toblerone sur nos affiches du terroir, alors que le cacao c’est de l’autre côté de l’océan que ça se passe. Donc pourquoi le chanvre n’aurait pas aussi sa place dans la culture et l’économie du pays et du canton ?
Au final, l’image controversée du cannabis persiste, qu’il soit à haut taux de THC ou pas. Et tant que personne ne sortira du bois pour en parler, ça restera comme ça… Conclusion : il faudra un premier vigneron courageux (ou téméraire) pour en parler sans rougir, qui peut-être en amènera un deuxième, pis un troisième.
Lueur d’espoir : pour ceux qui suivent les combats de reines, le Vigousse du 25 mars met en lumière cette anecdote. Le premier combat vécu sans restriction sanitaire depuis 2020 a vu la lutte de deux bêtes qui n’appartenaient ni l’une ni l’autre à Bernard Rappaz : Shitas et Cannabis. Au moins, on n’a plus honte de prononcer ces mots quand y a une vache qui vêle ou qui rentre dans l’arène, et ça c’est un début…
Bref, qu’on appelle sa vache Cannabis plutôt que Syrah, le chanvre ne fera jamais disparaitre le pinard, personne n’est assez fou pour le dire, même pas Rappaz. Par contre, peut-être que la culture du chanvre va permettre à certains de continuer à produire du pinard sans se saigner tous les mois. Si l’opinion publique pouvait s’en rendre compte, on pourrait trinquer à ça.
Coup d’humour et traits de pouce du climat
La démocratisation de la weed avance, n’en déplaisent au conservatisme et défenseurs du terroir. La RTS rapporte le 31 mars que des chercheurs sont en plein taff pour remplacer le houblon par du chanvre dans la fabrication de la bière. Pourquoi ? A cause du réchauffement climatique, pardi, parce que le second est plus facile à faire pousser sur sol suisse que le premier, à cause de la température, de sa culture facile, et tout ça tout ça. Ça a pris pas mal d’années, mais ça finit par être assez concluant pour berner les papilles des spécialistes. Donc voilà voilà… On va voir si les producteurs de bière seront moins frileux à faire de la comm’ sur leur business que les vignerons. Dans ce cas-là, est-ce qu’on aura le droit de dire que la bière aura couper l’herbe (à fumer) sous le pied de la vigne ?
Maddy Martigan
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