Que nous soyons prévenus, notre grève est un flop. Nous sommes que des bouffeurs de merguez sans emplois et personnes ne nous a suivi. Mais, il va quand même nous bafouiller une leçon de morale interminable, avec les yeux exorbités et la face toute rouge. Ça sûr, il a l’air d’en avoir rien à foutre de notre grève le patron.
On en fait du mal à l’entreprise, à la branche et à l’économie du pays tout entier à l’écouter. On a nui à son image ! On a rompu la confiance sacrée ! On a tenu des propos insultants ! On a donné un mauvais exemple ! A ce stade, il est plus patron mais curé. Il nous fait la morale de long en large, c’est interminable comme une messe.
Nous on est content de nous. Ça fait plaisir à voir sa tronche toute déformée par la colère et la peur. Alors, comme de sales gosses, on ricane durant tout le prêchi-prêcha. On ne l’interrompt pas le patron qui se prend pour notre daron, ce serait dommage de gâcher le spectacle. Le contraire même, dès qu’il reprend son souffle on rajoute une pièce dans la machine. Le collègue lui balance, histoire de le faire paniquer : « Bah si, pour de vrai, ces grèves ne vous dérangent pas, on peut recommencer la semaine prochaine ».
Jamais pensé qu’un bonhomme pouvait devenir, si vite, si blanc. Va falloir se calmer, on est quand même là pour conclure l’affaire. Si son palpitant lâche on sera bien emmerdé. Les cadavres ça ne peut pas signer d’augmentations. Un permanent syndical ajoute une petite phrase d’ouverture, type « ce ne sera pas nécessaire si on se montre tous intelligent ». Il parle comme un avocat de mafieux, ça me fait toujours poiler.
Le donneur de leçon saisit le truc au vol immédiatement, le pauvre doit vraiment se chier dans le froc. Il balbutie en boucle qu’on doit se concentrer sur l’avenir, que le passé c’est passé. Ouai, il voudrait bien oublier qu’on peut lui résister. Qu’on lui a tenu tête et qu’il a chèrement payé son arrogance. Il fait moins le superbe qu’il y a un mois devant les ouvriers. Maintenant, on va enfin pouvoir discuter.
Le chef e délégation prend sa voix la goguenard, il s’accoude solidement à la table et balance tout sourire : « Les bouffeurs de merguez ont besoin d’argent pour payer les saucisses… L’augmentation est toujours de 100 francs ! »
Etienne Lantier
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