La votation de ce 28 novembre 2021 a été, à bien des égards, une journée importante. Déjà par une participation particulièrement élevée. Plus de 64% des personnes disposant du droit de vote se sont exprimées, taux extrêmement rare. Mais c’est aussi par ces objets et les débats qui les accompagnent que cette journée devrait nous interpeler. Et, je voudrais traiter d’un objet en particulier. Un objet qui est passé relativement inaperçu, écrasé par les manifestations et campagnes agitées des deux autres sujets soumis au peuple.
En plus d’un nouveau vote sur les mesures sanitaires, et en plus d’un vote sur les conditions de travail de celles et ceux qui combattent le Covid-19, nous avons voté sur le mode de désignation des juges dans notre pays. Et si le fonctionnement des institutions n’est pas un sujet politique très sexy, il est pourtant un sujet majeur avec une influence immense. L’objet du vote est en soit capital, mais la manière dont l’objet a été porté aux urnes devrait nous interroger.
La question qui était donc posée était de savoir si les juges doivent être désigné par les partis politiques, en proportion de leur électorat, ou par un tirage au sort parmi les candidats à la fonction. Le premier système doit assurer que les magistrats qui vont interpeler les textes du législateur afin de les appliquer selon « l’esprit de la loi » soient politiquement proche de ces mêmes législateurs. Le système de tirage au sort évacuerait cette question politique en considérant que les juges sont des techniciens supposés appliquer la loi sans que leur opinion influence cette décision. La proposition est idiote, permettez-moi le mot, sur plusieurs points. Imaginé que les tribunaux sont des organes d’exécutions, sans marge de manœuvre, devant appliquer des processus suffisamment détaillés pour ne demander aucune appréciation, dénote une méconnaissance du système judiciaire en général. Mais, tirer au sort des magistrats parmi les candidats qui seront donc tous des personnes ayant fait des études de droits longues et couteuses, nullement besoin d’être sociologue pour savoir où cela conduit. La population et ses aspirations n’en seront que moins bien représentées. Mais aux vues de comment l’initiative a été lancée et portée, ceci n’est pas surprenant.
Le lancement d’une initiative est un projet exigeant qui demande beaucoup de ressource humaine et/ou financière. Même de gros partis politiques chercheront des coalitions afin de disposer des moyens nécessaires à la récolte de 100’000 signatures des citoyens et citoyennes. L’initiative doit donc non seulement convaincre dans la population, mais surtout dans les organisations politiques qui devront, pousser des militants dans les rues. Et ceci quel que soit la météo, durant 18 mois et pour une tache qui demande d’aborder des inconnus dans la rue. Cela demande donc un engagement fort d’organisations qui doivent nécessairement consulter et convaincre leurs bases. Le texte devra prendre en compte les remarques des spécialistes que l’organisation ne manquera pas de compter dans ses rangs et faire des arbitrages dans ses priorités. En somme d’être des organisations démocratiques et représentatives.
L’initiative pour « des juges indépendants » ne s’est pas encombrée de ces fâcheux éléments. Ce projet de modification de la constitution de notre pays a été portée quasiment par un seul homme, le multimillionnaire Adrian Gasser. Fort de sa fortune, il s’est contenté d’acheter les ressources humaines utile à son projet et sa vision de nos institutions. A la manière des coursiers en ONG qui nous interpellent dans les gares, des personnes payées pour récolter des signatures ont remplacé les militants. Des petites mains ont distribué les flyers de la campagne et collé les affiches dans l’espace publics. Et une seule personne, Adrian Gasser, a été le visage médiatique de cette initiative.
Le droit d’initiative est un incontournable de la démocratie de notre pays. Un pouvoir capable de modifier la constitution et donc sur tous nos droits et devoirs. Il constitue souvent le cœur battant des débats publics en rythmant la vie politique du pays. Pourtant ce symbole fort de la souveraineté du peuple sur lui-même a été accaparé par un seul homme. Le multimillionnaire Adrian Gasser s’est peu ou prou acheté une initiative fédérale. Le 28 novembre 2021 a prouvé que nos cadres institutionnels étaient terriblement fragiles. Que nous étions au fond plus proche de la ploutocratie que de la démocratie. Que, sans déclencher aucune polémique de la part des partis politiques ou de la société civile, nos votes sont à vendre.
wendigowak
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