La petite chape de plomb

A la Brecht

Plomb © Cécile

En s’adressant au public

SHEN TE : « Je m’appelle Shen Te. Je suis une jeune femme de la classe moyenne. J’habite un petit village nommé Se-Tchouan, les gens y sont pauvres. Moi, je passe mes journées à distribuer des galettes aux personnes malades. Je vis de ce commerce. Pourtant, lorsque les gens sont en mauvaise santé, ils payent mal et quand ils ne le sont pas, ils ne me commandent rien. Je gagne très peu d’argent et pourtant, je suis sans arrêt en retard : Sun, l’administrateur général de Se-Tchouan vérifie sans arrêt que je livre assez de galettes par jour. A ce moment de l’histoire, je ne le sais pas encore, mais je vais bientôt apprendre qu’il ne sert à rien d’être bon dans ce monde. »

Arrive la mère de Shen Te, trop maquillée. Elle s’adresse au public

SA MERE : « Je suis fière du travail de ma fille. Elle est honnête. Et comme elle m’achète les galettes à moi, nous avons trouvé un bon partenariat pour rembourser le crédit au vendeur de tapis qui habite juste en face. Cette dette pèse sur ma fille : elle l’appelle la petite chape de plomb. Moi j’y suis habituée. Je suis résignée. En s’adressant à sa fille. Shen Te, va apporter ces galettes et le petit pot de beure à la veuve Shin! Demande-lui bien les 5 francs et 40 centimes qu’elle nous doit depuis la dernière fois ! »

En dehors de la maison : trois bucherons apparaissent dans un nuage de fumée.

LE PREMIER BUCHERON: Shen Te, nous te reconnaissons. Tu as toujours été une bonne âme. Aurais-tu la bonté de nous offrir un bout de galette ? Nous venons de parcourir toute la région et n’avons trouvé personne pour nous nourrir.

SHEN TE : doucement pour que personne ne l’entende. J’ai suffisamment mangé ce matin, je peux bien leur offrir ma part de galette. Je mangerai en rentrant à la maison. Aux bucherons. Oui, bien sûre, prenez cette part.

LE TROISIEME BUCHERON: A part. Nous devrions lui donner quelque chose pour ce repas.

LE SECOND BUCHERON: Nous ne pouvons pas nous immiscer dans l’économie ainsi !

LE PREMIER BUCHERON: 30 Fr. ce n’est rien, nous n’aurons pas besoin de justifier plus haut. A Shen Te. Prend ces 30 francs en dédommagement de ton dîner.

Les Bucherons s’en vont. Arrive Sun, avec une peau de loup autour des épaules. Il prend peur en apercevant les bucherons.

SUN: Où vas-tu ?

SHEN TE : Je vais livrer des galettes et du beurre à la veuve Shin.

SUN: Habite-elle loin ?

SHEN TE : Oui ! c’est par-delà le moulin que vous voyez tout là-bas, à la première maison du Village. Mes souliers sont usés et je sens la pointe des cailloux à travers la semelle. Ma mère préfère garder nos recettes de la vente pour les amortissements annuels. Quelle belle cape vous avez!

SUN: Merci, un héritage. Eh bien, je vais aller voir cette veille Shin aussi. J’y vais par ce chemin-ci et toi par le chemin là-bas et nous verrons si tu tiens tes horaires standards.

A la maison de la veuve Shin. Sun arrive.

SUN : avec une petite voix et un masque, il frappe. C’est Shen Te ! Je viens pour vos galettes.

LA VEUVE SHIN : Je ne peux pas me lever. J’ai le dos bloqué et une infection aux yeux. Les médecins disent que c’est le stresse ! Mais tire la chevillette, la bobinette tombera et tu pourras rentrer.

SUN : Bonjour Shin. Je ne peux pas vous donner les galettes, vous n’avez pas payé la dernière fois.

SHIN : Je sais ma bonne Shen Te. Mais depuis que Shu Fu a monté son commerce de tabac à moins d’un kilomètre du mien, la concurrence est trop forte.

SUN : C’est bien dommage, effectivement. Mais une dette est une dette. Les huissiers seront là dans quelques minutes. Etant donné ce que vous devez à un certain nombre de personnes, ils vous embarqueront.

Les huissiers embarquent la veuve Shin qui ne se débat même pas. Sun se cache sous les couvertures en attendant Shen Te.

SHEN TE : Madame Shin ? Je peux entrer ? Je viens pour les galettes. Ne vous inquiétez pas vous payerez la prochaine fois !

SUN : la voix enrouée. Entre, entre ! Tire la chevillette, la bobinette tombera.

SHEN TE : Ne vous dérangez pas pour moi. Restez bien au chaud sous vos couvertures.

SUN : Pouvez-vous m’apporter directement une galette, j’ai très faim.

SHEN TE : Bien sûre, Madame Shin. Mais ! Que faites-vous là M. Sun !?

SUN : Je voulais vérifier si, comme on le dit, tu es l’ange des faubourgs. Il semblerait que ce soit le cas, puisqu’avant même que Mme Shin te demande de noter les galettes sur l’ardoise, tu lui offres de payer plus tard. As-tu donc autant de richesse pour en perdre par pure gentillesse ? Je considère que c’est du vol, tu comparaitra devant le juge dans deux jours.

Moralité
Cher Public, pas de ressentiment :
La perte du procès n’est pas un heureux dénouement.
La peur, nous aurait-elle ôté l’inspiration ?
Malgré tout… où est la solution
De l’argent, personne n’en a
Le pouvoir n’appartient qu’à quelques ingrats.
Cher Public, réfléchis à ta solution
Car elle se trouvera, en chœur, à l’unisson.
La bonté ne doit pas faire défaut,
Cherche-la, il le faut, il le faut. 

La Morissonne

Commentaires

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