“Jeunes filles en fleurs”, “collabo” et “féminazis” : nul doute que le printemps est là

La publication la semaine dernière par La Liberté d’un courrier de lecteur a fait couler beaucoup d’encre, à croire que tout est bon pour se faire mousser au retour des beaux jours. Sur les réseaux sociaux, de nombreuses personnes ont critiqué la décision du quotidien fribourgeois de publier un texte faisant « l’éloge de la culture du viol ».

Dans les médias, friands d’actualités en particulier quand elles touchent d’autres médias, une véritable moisson d’articles aussi. Et même sur ce média irrespectable, y en a un qui en a fait des insomnies. Autant dire qu’en une semaine, on aura pu lire tout et n’importe quoi. Après tout si tout le monde a un avis et s’en gauge, je peux bien aussi pondre un article.

Pour mon plus grand désarroi, il se trouve que les opinions conservatrices ou drapées de pseudo-progressisme sur la « polémique » ont pris toute la place dans les médias romands. J’ai pris la peine de les lires et de répondre à quelques éléments qui me paraissent particulièrement fumeux.

Commençons par Antoine Bernard dans le Regard Libre, pour qui le courrier de lecteur « sert de prétexte au déclenchement orchestré d’une indignation générale, dont le but est d’imposer un récit idéologique ». Il met en avant le caractère idéologique des réactions des collectifs féministes. Idéologique certainement mais qu’est-ce qui ne l’est pas ? L’auteur se cache lui-même derrière une pseudo-neutralité. Il semble oublier que la société est le produit de rapports de force et qu’aucune action n’est exempte d’idéologie pas même la sienne. Décider de ce qu’il est pertinent de publier, faire des choix éditoriaux, c’est un acte politique.

Venons-en ensuite à la question, soulevée par Isabelle Falconnier dans Bon pour la tête : faut-il remercier le rédacteur en chef de la Liberté Serge Gumy pour nous avoir révélé l’existence de personnes qui voient dans les jeunes filles des objets sexuels ? Contrairement à ce que dit l’autrice, nous n’avons pas besoin de courrier de lecteur sexiste pour prendre conscience du sexisme dont suinte la société. Avoir lu des statistiques sur les violences faites aux femmes ou avoir entendu (si ce n’est soi-même vécu) les expériences bien trop nombreuses de personnes victimes de violences sexistes est amplement suffisant. Lire qu’on a encore besoin de prouver l’existence du sexisme, moi ça me donne mal à la tête. Pour l’autrice, cette conscience du sexisme nouvellement acquise permettrait de nous apprendre «  à réagir, à dire à nos filles de se méfier », c’est-à-dire nous permettrait d’accepter la situation actuelle et de culpabiliser les jeunes femmes en leur imposant la responsabilité de se protéger. Non mais hallo. Plutôt que de les éduquer à ne pas être violées, on ferait mieux d’éduquer les violeurs à ne pas violer.

Finalement, à celles et ceux qui brandissent l’étendard de liberté d’expression, il est bon de rappeler que ce principe ne garantit pas à chacun et chacune de s’exprimer sur tout n’importe où. Il ne s’agit pas de retirer à ce monsieur la liberté d’avoir des opinions sexistes et rétrogrades ni de les formuler, il existe aujourd’hui des tas de sites internet permettant à tout un chacune de publier ses fantasmes les plus malséants. Mais, le principal journal fribourgeois a une responsabilité vis-à-vis de ses lecteurices et des contribuables qui le financent et qui ont le droit de lui demander des comptes.

Il serait utile que les journalistes et les éditorialistes du dimanche prennent conscience de ce qui est aujourd’hui socialement acceptable. En 2021, réduire des femmes à de belles plantes ne l’est plus. Aux rédactions de prendre leurs responsabilités.

Chaton rageuse

Commentaires

Ton commentaire on s’en fout. T’as un avis? Écris un article et soumet le à redaction@croptop-noeudpap.media